Une du numéro 106 d'Info-Reines, revue apicole.

Qualité du sperme des faux-bourdons durant la saison de production des reines d’abeilles

Journées d’étude en Belgique, 2014, par Gérard Baty

En février 2014, Pierre Giovenazzo était l’invité des Journée d’Étude de l’Anercea. Son intervention est à retrouver en intégralité dans Info-Reines n°106, deuxième trimestre 2014.

Cycle vital des faux-bourdons

La spermatogenèse couvre le stade larvaire et le stade nymphal du faux-bourdon. Cela veut dire que la dotation totale en spermatozoïdes du faux-bourdon est définie durant cette période. La qualité et la quantité de la nourriture fournie durant le développement larvaire, jusqu’à l’émergence de l’insecte, est primordiale pour la caste. Les contaminants environnementaux et/ou internes influenceront négativement le « potentiel » des faux-bourdons.

À l’émergence du faux-bourdon débute la maturation sexuelle et la migration des spermatozoïdes vers l’endophallus. Pour leur étude, Pierre Giovenazzo et son équipe ont suivi les faux-bourdons de l’émergence jusqu’à l’âge de 35 jours. L’émergence sera la référence pour la suite. Théoriquement la maturité sexuelle des faux-bourdons est considérée comme acquise à partir du dixième jour, c’est-dire qu’ils sont disponibles pour l’accouplement naturel éventuellement. Remarque personnelle : Par précaution, pour l’utilisation des faux-bourdons en insémination artificielle, je préconise une marge de sécurité de 5 à 10 jours supplémentaires (15 à 20 jours après l’émergence).

La production des faux-bourdons dans la colonie est influencée par :

  • la génétique,
  • la photopériode,
  • les réserves alimentaires dans la colonie,
  • les variations du climat et des entrées de pollen et de nectar.

Maturité optimale à partir de juillet

Afin de réfléchir à la mise en route précoce de la disponibilité des mâles, le tableau ci-dessous, élaboré par L.Connor, a été adapté au contexte du Québec. Il montre que la disponibilité optimale des faux-bourdons matures se situe à partir de juillet, donc plutôt en fin de saison (les figures 2 et 3 présentant le volume de sperme moyen produit par faux-bourdon selon l’âge d’élevage et le nombre de spermatozoïdes par faux-bourdon en fonction de la date d’élevage sont à retrouver dans le numéro 106 d’Info-Reines ou le tome 8).


L.Connor : évolution de la maturité des mâles au cours de la saison apicole au Québec.

Larry Connor est intervenu lors des JE de l’Anercea, à Viviers, en Ardèche, en 2008. À l’occasion de ce congrès apicole, il nous a expliqué le comportement des colonies en présence des mâles et les conditions requises pour élever des mâles.

Le besoin, tôt en saison, de reines fécondées naturellement implique une disponibilité de faux-bourdons également tôt (plus tôt) en saison. Est-ce judicieux et possible de « forcer » une colonie à produire plus, et plus tôt, des mâles ? Parallèlement à cela, les apiculteurs québécois constatent qu’introduire tôt en saison des reines de l’année provenant d’élevages commerciaux est un mauvais placement1. La raison en est que la durée de vie de ces reines est directement liée au nombre de spermatozoïdes reçus lors de l’accouplement naturel2.

Qualité du sperme selon les saisons

L’objectif de l’équipe en 2012 a donc été d’évaluer les propriétés du sperme des faux-bourdons suivant le moment dans la saison apicole où ils sont produits naturellement, et suivant leur âge. À la station de Deschambault, sept colonies ont servi à produire six générations chacune de faux-bourdons, étalées de début mai à fin juillet. Les dates repères sont : 1er mai, 14 mai, 12 juin, 20 juin, 18 juillet et 28 juillet.

La méthode d’élevage sous contrôle consiste à placer un cadre à mâles bâti vide dans une cage d’isolation dans laquelle la reine restera deux jours consécutifs avant d’être libérée. Le cadre à mâles encagé sera placé à l’écart du couvain, au-dessus de la colonie. À l’émergence des mâles, ils sont marqués d’un point de couleur (couleur de la génération). Ensuite, chaque génération est soumise à un échantillonnage par âge au 14e, 21e, et 35e jour après l’émergence. Le sperme de cinq faux-bourdons par colonie, par génération et par âge sont prélevés pour analyse. Les mesures suivantes ont été relevée :

  • volume individuel de sperme à l’aide de la seringue type « Harbo »,
  • comptage à l’hémacytomètre des spermatozoïdes après dilution de 0,2µl de sperme,
  • indice de motilité : 0 (immobile), 1 (vibration), 2 (mouvement circulaire)
  • mesure de la viabilité : par coloration et observation et comptage au microscope à fluorescence : Vert (vivant), Rouge (mort).

Conclusion à partir des résultats

La « maturité sexuelle » n’est pas atteinte par l’ensemble des mâles à 14 jours après l’émergence3. Le volume de sperme et le nombre de spermatozoïdes augmentent au cours de la saison. La production de faux-bourdons est corrélée à la disponibilité du pollen et du nectar dans l’environnement4.

Production de faux-bourdons en début de saison

Au Québec, début mai, la colonie ne ne produit pas ou peu de faux-bourdons, il en résulte une difficulté à élever des faux-bourdons en début de saison. Cette étude s’est poursuivie en 2013 autour de la question initiale : peut-on améliorer la production des faux-bourdons en début de saison, en soutien à l’élevage des reines au Québec en jouant sur les paramètres : nutrition et pesticides, supposés agir sur la fertilité et la santé des faux-bourdons (seuls ou en synergie)?
Pierre Giovenazzo nous livre en avant-première un tableau des produits phyto trouvés dans les tissus des faux-bourdons, on imagine que ces « cocktails » ne sont pas sans effet sur la fertilité et la vitalité des mâles, qui plus est dans un contexte d’apiculture « organic »5. Pierre nous a mis l’eau à la bouche et nous serons heureux de l’écouter encore sur ses conclusions de 2013 au cours de prochaines Journées d’Étude De l’Anercea.

Remarque personnelle finale : en qualité de formateur à l’insémination, je retiendrai que la préparation des faux-bourdons, pour le prélèvement de sperme, doit être anticipée par rapport à mes préconisations (20 jours). Je tenterai + 5 jours, donc 25 jours après l’émergence pas plus car si la maturité devient « explosive »6 ce n’est bon ni pour la productivité ni pour l’asepsie.


1) Ces constatations sont validées par les publications de : Camazine 1998, Rhodes 2004, Van Engelsdorp et Meixner 2009, 2) Boer 2009, Giovenazzo 2009.
2) Boer 2009, Giovenazzo 2009.
3) Personnellement je remplacerais « maturité » par disponibilité du sperme car il s’agit d’une manipulation délicate à réaliser.
4) MacNally et Schneider 1994.
5) BIO
6) Éversion totale et spontanée difficilement maîtrisable.


L’intégralité de l’article dans Info-Reines n°106 ou dans le tome 8
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