Journées d’Étude à Lattes (34), février 2017, par Paul Fert – Info-Reines 118.
En février 2017, lors de ses Journées d’Étude, l’Anercea proposait trois regards professionnels sur l’utilisation des nuclei de grande taille. Retours d’expériences avec Les Ruchers de Chalosse, Christian Guespin, Norbert Maudoigt et Thomas Boulanger.
Nucs multiples en « ruche mexicaine »
Au GAEC Les ruchers de Chalosse, basé dans les Landes, à Hagetmau pour la partie élevage et
Saint-Aubin pour le reste de l’exploitation, Jean-Pierre Boueilh et Guillaume Vergnes ont adapté une méthode de constitution d’essaims à partir de ruches partitionnées en trois, méthode également appelée méthode de la “Ruche mexicaine“.
Comme son nom l’indique, cette technique est utilisée au Mexique. Elle a été introduite en France par la famille Irazoki, en format dadant, avec trois compartiments de trois cadres (photo 1). Cette méthode donnant satisfaction, le GAEC des Ruchers de Chalosse l’a reprise et adaptée en format langstroth (caractéristiques de cette ruche à retrouver dans Info-Reines n°118, deuxième trimestre 2017).
Avantages
Relativement simple à concevoir, la ruche mexicaine permet, dans cette région, de constituer les premiers essaims autour du 10 avril, avec un cadre de cire gaufrée, un cadre de nourriture et un cadre de couvain garni d’abeilles, prélevés sur les ruches en production. Les compartiments de la ruche sont fermés pendant ce processus, et ne seront ouverts que 48 h après. L’introduction aura lieu si possible 72h après la constitution de l’essaim. L’apiculteur a le choix d’introduire une cellule royale à onze jours (sous protecteur) ou à trois jours, en s’assurant bien sûr de la présence de nourrices en nombre suffisant. L’expérience a démontré que les jeunes cellules donnaient de meilleures reines. Si le temps le permet, il convient de vérifier les naissances à J+3, et de procéder à une nouvelle introduction si besoin. À J+8, il est recommandé de remplir les nourrisseurs à nouveau. Puis Les Ruchers de Chalosse procèdent à un transvasement en ruches de cinq cadres qui prennent la direction des plantations de kiwi pour la pollinisation, ou seront utilisées en production de miel. Il est en effet possible de réaliser de belles récoltes sur la callune et l’érica à partir de ruchettes équipées de haussettes. Une troisième et dernière série d’essaims est possible entre le 1er et le 15 juillet, en abondant de sirop tous les 15 jours.
Tout au long du développement des essaims, le format de la ruche mexicaine facilite largement le rééquilibrage des compartiments faibles ou devenus bourdonneux.
Parce qu’il profite de la chaleur des essaims latéraux, le compartiment du milieu est plus souvent le mieux développé. C’est en général celui-ci qui permet de fournir un cadre de couvain et d’équilibrer les compartiments voisins qui sont alors fermés pendant 48 ou 72 h pour éviter le retour à la colonie d’origine.
Inconvénients
Cette ruchette est plutôt lourde et peu autonome. Elle demande en effet un nourrissement régulier. À ce propos, le choix du GAEC s’est porté sur un sirop glucose-fructose-saccharose en proportions équitables. Un autre inconvénient éventuel est que les cadres sont plus profonds que dans le cas d’un petit nucleus. Avec un peu d’habitude, l’apiculteur n’aura plus trop de soucis pour trouver la reine. Certes le rendement sera moindre que les petits nuclei, mais notons par ailleurs que ce système n’est pas fait pour la production de reines à proprement parler, mais bien d’essaims. Enfin, la ruche mexicaine pourrait être hivernée, même si le GAEC des ruchers le Chalosse n’a pas retenu ce choix, en raison de pertes hivernales pouvant atteindre les 20% certaines années dans cette région.
Miniplus à sept cadrons
Christian Guespin, installé dans les Côtes-d’Armor, utilise une méthode d’hivernage des nuclei en miniplus. C’est le nucleus que cette exploitation a retenu après en avoir essayé différents types de matériels, notamment kieler et apidéa. L’hivernage réussit bien au miniplus, plus adapté pour passer la mauvaise saison que les nuclei de type kieler ou apidéa ; et ce, à condition de respecter quelques règles : l’emplacement, la ressource pollinique, et limiter au maximum la déperdition calorique des petites colonies. Des visites fréquentes pendant la mauvaise saison devant être assurées, ce stock de reines (c’est l’intérêt d’hiverner des mini colonies) se doit d’être près de son habitation. Le miniplus peut ainsi rester six à sept mois sans intervention, mis à part la surveillance des provisions (détails des conditions d’installation et de conduite des ruchers de miniplus dans Info-Reines n°118, deuxième trimestre 2017).
Avantages
Les miniplus demandent très peu de nourrissement, du moins utilisé de cette façon. La place est suffisamment importante et la colonie peut stocker des réserves lors des périodes d’abondance.
Christian Guespin s’intéresse de près à la notion de « Bee Space ». Il a pu se rendre compte des effets de l’optimisation de l’espace entre les cadres. Ses expérimentations l’ont conduit à adapter dans ses miniplus un cadre particulier, avec un espacement droit d’un côté, et hoffmann de l’autre, avec une petite entaille au milieu pour laisser passer les porte-cupules de cellules royales (les plans détaillés sont présentés dans le numéro 112 d’Info-Reines). Cet entre-axe réduit à 34 mm, au lieu de 37,5 mm, permet d’ajouter un septième cadron en début d’hivernage, au lieu des six habituels que compte un miniplus (photo 2).
Les avantages sont multiples. En effet, le volume à chauffer entre cadrons est moindre et le volume pour stocker des réserves est augmenté de 15 %. Ainsi, les abeilles d’hiver étant moins sollicitées pour maintenir la chaleur au sein de la grappe, se fatigueront moins et vivront plus longtemps.
À l’automne, Christian Guespin réunit ses miniplus selon ses besoins en remérage de dernière minute, ce qui peut faire des « gratte-ciel » de sept étages, cependant la moyenne est de deux à trois éléments.
Inconvénients
L’inconvénient du choix du miniplus est que l’on trouve moins facilement la reine que dans les petits nuclei, du fait du volume plus important à inspecter. Par ailleurs, le choix du polystyrène peut parfois s’avérer problématique du fait de la présence de rongeurs, pic verts ou de la teigne. Un autre problème est la vulnérabilité vis-à-vis des frelons à pattes jaunes, enclins semble-t-il à s’attaquer aux mini colonies. Dans sa station de 80 miniplus hivernés, Christian Guespin a dû mettre en place, à l’automne 2016, plus de 15 pièges pour que les petites colonies retrouvent une activité de butinage après 15 jours de stress (lesdits pièges faisant le plein en à peine trois jours).
Nucs en ruchette compartimentée
Le troisième modèle présenté était assez proche de celui des Ruchers de Chalosse. Norbert Maudoigt, actuel président de l’Anercea (ndlr, 2017), a opté pour une ruchette compartimentée en deux parties de deux ou trois cadres (photo 3). Une plaque de contreplaqué de 3 mm constitue la séparation centrale. Cette ruchette au format non standard accueille des cadres langstroth au nombre de six, et a été modifiée en largeur. Elle est en effet légèrement plus large de façon à permettre d’y glisser un pain de candi en rive. Ces espaces de chaque côté peuvent accueillir 1 à 2 kg de candi, ou du sirop, même si Norbert Maudoigt privilégie un cadre de miel bien naturel. Dans la région des Alpilles (13), régulièrement balayée par le mistral, les toits tollés sont nécessairement attachés avec des ressorts. Les entrées sont peintes selon les travaux de Karl Von Frisch. À l’inverse du nord de la Loire, la chaleur génère davantage de problèmes que le froid, plusieurs couches d’isolement sont donc nécessaires au niveau du toit. Du reste, la ruchette à deux compartiments passe relativement bien l’hiver, pour peu que l’on ait deux colonies qui se tiennent chaud mutuellement (conduite des essaims à retrouver dans Info-Reines n°118, deuxième trimestre 2017).
Nuc et haussette
Thomas Boulanger a présenté son modèle combiné de nuclei, ruchettes et nuclei-haussettes, avec lequel il travaille dans le cadre d’une production de reines, d’essaims et de miel, basée dans le département du Cher. Il utilise des nuclei-haussettes individuels de cinq cadres, de format hausse dadant (photo 4). Les différentes parties se séparent facilement, les planchers sont centrés sur deux vis, pour permettre l’empilement au printemps sur des ruchettes constituées en tout début de saison. Les colonies de production sont alors installées à cette époque en plaines de colza, culture très présente dans cette région, qui permet de démarrer l’année sur les chapeaux de roues. Il a donc fallu développer une méthode adaptée à cette particularité, l’apiculteur ayant déjà vu des essaimages de nuclei lors de la floraison du colza (détail de la méthode – constitution des premiers essaims, timing et conduite dans Info-Reines n°118, deuxième trimestre 2017).
Avantages
Les avantages d’une telle méthode sont d’avoir des reines au printemps, d’éviter l’étape d’introduction des reines dans les essaims de printemps, de disposer d’un format adapté pour hiverner grâce à l’empilement, et de multiplier de manière facile en réalisant quatre à cinq rotations de fécondation.
Inconvénients
Les inconvénients résident dans le travail de mise en hivernage (traitement varroa, nourrissements, contrôles, etc.) et la gestion des mâles au niveau du remplacement des cadres devenus bourdonneux.
Conclusion
Ces quatre témoignages, issus de régions géographiques très différentes, ont donc permis de montrer des logiques de production tantôt axées sur l’élevage des reines, tantôt sur la production d’essaims, tantôt les deux. Les nombreux participants aux Journées d’Étude et lecteurs de la revue pourront donc se faire leur propre opinion et retenir les nombreuses astuces ainsi distillées en fonction de leurs propres objectifs et contextes géographiques.
L’intégralité de l’article dans Info-Reines n°118 ou dans le tome 9
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