Numéro 112 d'info-Reines, quatrième trimestre 2015. Revue apicole autour de l'élevage de reines.

Construction et évolution du cadron de nuclei type « miniplus »

Par Christian Guespin, Info-Reines 112 (4e trimestre 2015)

Le cadron n’est pas le petit du cadre et de la cadre (aussi dynamiques soient-ils), mais un matériel utilisé dans des petits modules d’habitat pour les abeilles. Le cadron désigne indifféremment l’élément cadre, pour les volumes suivants : ruche Warré, kieler, miniplus, apidéa, etc… Cet article est destiné au cadron de miniplus, soit un demi-cadre de hausse (soyons précis : pour ceux qui débutent), coupé dans le sens de la hauteur : 21,5 cm de largeur et 16 cm de hauteur, sans compter les épaulements.

Pourquoi construire ses cadrons ?

Alors qu’ils se vendent tout faits, en bois ou en plastique, emboitables ou pas… Arguons les raisons suivantes :

  • 1) le prix : un cadron coûte autour de 1€ (ndlr : 2015), et lorsque l’on fait de l’élevage, il en faut vite quelques centaines.
  • 2) Le cadron que l’on trouve dans le commerce n’a pas évolué depuis des dizaines d’années, contrairement au matériel d’élevage, comme par exemple le porte-cupule Nicot avec sa cellule.
  • 3) Le cadron dit « standard » présente un handicap majeur : la « propolisation » des montants entre eux rend difficile la mouvance des éléments et laisse peu de latitude dans les déplacements horizontaux.
  • 4) l’opération de gaufrage du cadron classique est chronophage, fastidieuse, voire difficile selon les versions.
  • 5) les cadrons du commerce créent un entraxe de 37,5 mm (lorsqu’ils sont neufs et non propolisés !) alors que si l’on observe les constructions faites naturellement par les abeilles on mesure 34 à 35 mm ! Cet écart n’est-il pas une erreur biologique fondamentale dans les petits nuclei ? Ne serait-ce pas là un des facteurs de désertion des petits modules ? Nous en reparlerons plus loin.

Voilà quelques bonnes raisons de construire ses cadrons. Les apiculteurs non convaincus par ces arguments, peuvent passer à l’excellent article suivant de notre magazine, pour ceux qui choisissent de continuer, un effort cérébral inhabituel est demandé.

La fabrication des différentes pièces du cadron de miniplus

Il me faut d’abord préciser que la fabrication de cet élément s’adresse à des apiculteurs ayant des notions de menuiserie bien affirmées (et une pharmacie à proximité) car, il va falloir travailler sur des petites pièces, donc avec les doigts proches des outils tranchants. Vous devez absolument connaître les termes suivants : phénomène de rejet, bois de travers, bois de bout, attaque dans la veine, travail à la butée. Sur le plan de l’équipement, il me paraît délicat (mais pas impossible), de travailler avec de l’électroportatif. Tables de travail réduites, vibrations importantes : on perd vite quelques dixièmes de millimètres et de la sécurité (vous êtes encore là ? On continue.)

Les cinq étapes pour débiter les 500 cadrons sont détaillées dans Info-Reines 112 ou le tome 8.

Le modèle de cadron proposé tient compte des remarques précédentes : introduction facile du porte-cupule, cirage rapide, équerrage facilité lors de l’assemblage et ce qui est fondamental : 35 mm d’entraxe avec possibilité de réduire à 30 mm l’hiver (Perplexe?) !
Le bois de l’épicéa est à retenir en priorité. Par contre, il vaut mieux éviter le douglass, trop dur et le pin maritime, trop résineux. On peut utiliser le hêtre bien de fil, ou le tilleul, mais il est difficile à trouver et de longévité réduite. On peut aussi employer du « sapin du Nord » qui se travaille très bien. Personnellement, je préfère travailler en circuit court avec le scieur du coin. L’avantage de l’épicéa : on en trouve facilement, il se travaille bien et préserve le tranchant des outils. Bien sûr, on ne prend que du bois bien sec, non traité, droit de fil (il n’est pas prévu de fabriquer des hélices d’avion). L’épicéa est aussi le bois le plus léger pour construire des hausses (quand on est apiculteur, une réserve de planches d’épicéa, sous un hangar bien ventilé, est un bon placement).

Pour fabriquer les quatre différentes pièces du cadron (aucune n’est pareille), il faut du chevron 6,5×8 cm et de la planche de 27/200 mm. Le chevron servira à fabriquer le côté « hoffmnan » (que l’on appellera montant large), et la planche l’autre montant et les traverses basses et hautes. Chaque pièce du cadron fait 10 mm. Les plus adroits pourront se risquer à faire des cadrons de 8 mm d’épaisseur, c’est possible mais il faut être sacrément bon pour ce genre d’exercice. Soyez vigilant lors de vos achats, la planche de coffrage est économique, mais n’est pas souvent en l’épicéa et la purge vous donnera de quoi chauffer l’atelier pendant quelques matinées !


Info-Reines 112 (2015) revue apicole sur l'élevage. Assemblage d'un cadron de nuclei, type miniplus.
Info-Reines 112 (2015). Sur la photo, 1 cadron emboitable Nicot (blanc) ; 1 cadron du commerce filé à oeillets ; 2 cadrons tête bêche ; 1 corps Miniplus dans la version 6 cadrons + 1 cadron nour- risseur. Au 1er plan, 1 cadron « new wave » : 1 seul côté large, agrafes de maintien que l'on ressert sur la cire en place. Marquage d'un côté pour faciliter la réinsertion, évidement pour l'introduction du porte cupule en position été : 6 cadrons.

Sur la photo de droite, 1 cadron emboitable Nicot (blanc), 1 cadron du commerce filé à oeillets, 2 cadrons tête bêche, 1 corps Miniplus dans la version 6 cadrons + 1 cadron nourrisseur (peut se faire en version 7 cadrons). Au 1er plan, 1 cadron « new wave » : 1 seul côté large, agrafes de maintien que l’on ressert
sur la cire en place, marquage d’un côté pour faciliter la réinsertion, évidement pour l’introduction du porte cupule en position été : 6 cadrons


Le modèle de cadron proposé permet l’introduction facilitée du porte-cupule Nicot avec sa cellule. Pour peu que vous utilisiez des nourrisseurs Nicot (nourrisseur rond de couleur blanche, posé sur un couvre-cadre, avec trou central), il n’y a qu’à ôter ce nourrisseur pour introduire le porte-cupule directement, grâce à l’évidement dans la barrette haute.

La grande innovation du montant aminci d’un côté

Je dois avertir le lecteur que je pensais avoir fait une découverte majeure pour l’apiculture mondiale, et m’apprêtais à déposer un brevet international, quand, rencontrant Bernard Sauvager, celui-ci m’informa que le groupe des Goulettes utilisait déjà ce type de cadron (ô rage, ô désespoir….).

Donc, quittant Perrette, et me remettant de la dépression qui s’ensuivit, permettez que je vous fasse part de mon vécu à l’utilisation de ce cadre dissymétrique : Le fait de ne pas être « hoffman » d’un côté, nous fait gagner de la souplesse dans le déplacement du cadron ; il n’y a plus qu’un seul côté à décoller ! Et une fois le premier cadre enlevé, les autres viennent « tout seul » : sans lève-cadre ! Précision : à éviter quand même si on veut marquer la reine, car les doigts englués de propolis n’aident pas à l’opération (petit bénéfice secondaire pour ceux qui comme moi, n’aiment pas écraser les abeilles, on en écrase deux fois moins). Et si toutefois quelques millimètres manquent pour glisser la cupule ? On écarte très facilement.
Un autre bénéfice, pas secondaire du tout celui-là, est la possibilité, pour l’hivernage, de retourner ces cadrons et les placer « tête bêche », c’est à dire un côté mince contre un côté large, ce qui fait réduire l’entraxe « anti-biologique », de 37,5 mm à 34 mm, ça c’est biologique ! vous suivez ?… Non ? Et bien je vais vous mettre les points sur les X. Un peu d’algèbre : sachant que l’épaisseur d’un cadre de couvain est de 24 mm et que l’entraxe classique est de 37,5 mm, nous avons un couloir entre deux faces de couvain de 13,5 mm ! Si on ramène cela à l’échelle humaine, ça doit bien faire 1,80 m, c’est à dire qu’il faut trois couvertures d’abeilles pour chauffer ce couvain et ce grand couloir ! Et comme c’est dur à chauffer, elles mangent beaucoup ! Ce qui fait diminuer plus rapidement les provisions et diminue la longévité de nos abeilles d’hiver (ça : vous saviez). Tandis que, en rapprochant les surfaces de couvain, et donc en diminuant le couloir, il ne faut plus qu’une couverture et demi d’abeilles pour le même résultat : avoir chaud ! C’est ce que permet le retournement de ces cadrons dissymétriques. Il s’ensuit : moitié moins de chauffeuses de salle et moitié moins de provisions consommées, bien que l’on en stocke davantage sur sept cadrons que sur six (je sens un blanc dans l’assistance : et oui, on gagne l’espace d’un cadron !). Conclusion, au lieu que tout le monde se les pèle version « la marche de l’empereur », tu chaufferas moins et tu vivras plus longtemps ! Ouf ! Z’avez compris ?

Ce changement de modèle de cadron étant récent, j’ai seulement l’expérience d’un hivernage avec un lot de miniplus hiverné sur sept cadrons et un autre lot dit classique. La différence est très nette quant à la prise en charge : pas besoin de recharger en candi en février, bien que la population soit plus forte dans le lot à sept cadrons. Je renouvelle donc cette année mon hivernage à sept cadrons sur un lot, pour confirmer ou pas les (bons) résultats de l’an passé. J’apprécierais des infos d’Anercéistes sur cette méthode d’hiverner des miniplus : est-ce déjà pratiqué ? Quels sont les enseignements à en tirer ? Doit-on considérer cela comme une évolution ? Merci pour vos commentaires.

Conclusion

Un nouveau (?) cadron vient enrichir le très encombré parc à matériel de l’apiculture. Je l’utilise depuis deux ans seulement, mais j’ai tellement gagné en confort de travail que je n’hésite pas à encombrer votre chère revue, pour vous faire part de mon court vécu. Je peux vous assurer que je ne reviendrais en aucun cas au cadron dit classique. P.S. : prochaine évolution, le cadron à pointes. Si un Anercéiste a conçu et essayé ce type de matériel, j’apprécierais de le rencontrer lors des prochaines Journées d’Étude de l’Association (Ndlr : article publié en 2015).


L’intégralité de l’article dans Info-Reines n°112 ou dans le tome 8.
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