Édito Info-Reines n°145
Lors des Journées d’Étude de Clermont-Ferrand en novembre 2023, Giacomo Acerbi1 a conclu ses conférences sur une analyse de l’état de l’apiculture italienne aussi brillante que glaçante. Nous vous en livrons ici l’édifiant résumé, parce qu’il résonne douloureusement avec notre actualité.
En un temps très court, de 2015 à 2019, du fait du dérèglement climatique, la production de la péninsule a chuté de 80 %. Parallèlement, le cours du miel dégringolait de 40 %, déstabilisé par l’importation massive de miels asiatiques, naturalisés européens, comme par enchantement, au passage des frontières. Condamnés à recourir massivement aux nourrissements, les apiculteurs succombent depuis sous le poids des charges. Paquets d’abeilles et reines doivent dorénavant s’exporter toujours plus loin pour maintenir à flot les rares exploitations capables de conquérir ces marchés. Le bio est une impasse vu la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs. L’institution européenne se devrait de soutenir ses apiculteurs.
Mais voilà déjà 10 ans que des ONG prétendument environnementalistes, mystérieusement très bien financées et médiatisées, distillent l’idée que les apiculteurs nuisent à la sauvegarde de l’abeille par leurs pratiques productivistes.
Ainsi les fonds et les énergies nécessaires à l’invention de modèles d’agricultures plus propres et aux études d’impact des pesticides sont détournés au profit de conservatoires et autres opérations de greenwashing.
Force est de constater, nous dit Giacomo, que détruire la filière apicole anéantirait le principal obstacle à l’industrie des pesticides.
Nous étions loin d’imaginer que sa prophétie trouverait si vite un écho en France, et pourtant, quatre mois ont suffi. Notre Premier ministre vient d’annoncer le réarmement chimique de l’agriculture française, remettant en cause insidieusement les instruments pourtant trop peu efficients qu’étaient le plan Ecophyto, l’Anses et l’Office Français de la Biodiversité.
Alors que l’infertilité, les maladies chroniques, la pollution des eaux et les atteintes à la biodiversité sont attestées, l’agriculture française saura-t-elle reconnaître que nos abeilles sont indispensables à la pollinisation des cultures et donc à la survie de l’humanité et qu’il ne peut exister d’abeilles sans apiculteurs vivant de leur métier ?
L’Anercea a beaucoup œuvré à l’élévation du niveau technique des apiculteurs.
Au sortir des JE de Rennes, nous pensons dorénavant incontournable d’inventer de nouvelles relations avec le consommateur comme viennent de le faire nos hôtes bretons, créateurs de la marque collective « Miels de Bretagne », et cela afin de ne pas laisser à d’autres le bénéfice de nos efforts.
Très beau début de saison à tous ! Nos abeilles, comme toujours, nous aideront à retrouver la sérénité et la force de rebondir.
1- Le compte rendu des allocutions de Giacomo vous sera restitué dans l’Info-Reines n°146 publié en juin 2024.