Tout savoir sur les nuclei : mission, création, forme, utilisation. Photo Philippe Gilles

Apiculture : Anatomie des différents types de nucs

Par Philippe Gilles, Info-Reines n°118

Avant de présenter chaque partie qui compose un nuc, il faut préciser qu’un nuc n’est pas une petite ruche de production qui héberge une colonie capable de se suffire à elle-même, mais bien un contenant de petit volume qui, de par sa forme, sa composition et sa conception, est capable de faire vivre le noyau d’une colonie et d’assurer la préparation d’une reine pour son vol d’accouplement, et ensuite la migration des spermatozoïdes dans la spermathèque.

Nuclei, quelles missions ?

Il est également possible de donner plus de missions aux nucs, par exemple : faire émerger une reine, contrôler sa ponte, contrôler le sexe de ses larves (voir si ses œufs sont bien fécondés), contrôler ses abeilles (prélèvement d’abeilles adultes pour un contrôle morphométrique). Des apiculteurs essaient d’utiliser les nucs pour stocker des reines plus d’un mois, mais ce stockage se fait bien souvent au détriment de la reine, qui aura alors plus de difficulté à être acceptée par une colonie de production, en raison de l’arrêt de ponte qui a lieu juste après la ponte des premiers œufs. Le manque de place en est la cause. Il est toujours possible d’augmenter la surface de ponte et le nombre d’abeilles mises à disposition de la reine. Les ruchettes sont alors utilisées. Ces petites ruches abritent une colonie presque autonome. Nous ne sommes plus dans le cas d’une utilisation de nuclei.
Le stockage des jeunes reines en nuclei pendant l’hiver est une pratique un peu plus difficile à mettre en œuvre, qui n’est d’ailleurs pas possible avec tous les types de nucs. Nous parlerons de cette technique dans un prochain article (à lire dans IR 119 et IR 120).

Comment constituer son nuc ?

Pour que les explications de l’anatomie des nucs soient compréhensibles, il faut préciser qu’il existe deux techniques de constitution des nucs :

Tout savoir sur les nuclei : mission, création, forme, utilisation. Photo Philippe Gilles
Divers types de nuc.

soit par création d’un paquet d’abeilles puis introduction d’une cellule royale ou d’une reine vierge : technique que je nomme création de nuc par « mini-essaim »,
soit par prélèvement d’abeilles et de couvain de tout âge dans une colonie puis introduction d’une cellule royale protégée, ou d’une reine vierge par ré-émergence : technique que je nomme création de nuc par « mini-colonie ».

Ces deux formes de création de mini-colonies vont influencer la forme et l’utilisation des nucs ; certains nucs ne pourront être créés que par mini-essaim, d’autres par mini-essaim et/ou mini-colonie, et d’autres ne pourront être créés qu’exclusivement par mini-colonie1.

Selon la taille du nucleus, nous allons avoir :

  • des mini-colonies qui peuvent recevoir plusieurs reines, les unes à la suite des autres, leurs pontes permettant d’entretenir une population d’abeilles suffisante pour la reine suivante,
  • des « micro-colonies » qui sont réalisées à partir de « micro-essaims ». Ils sont si petits que la « micro-colonie » sera détruite (le rayon de couvain constitué d’œufs et de quelques jeunes larves sera jeté et les abeilles seront libérées dans un rucher de production, seule la reine sera gardée). Leur utilisation demande une grande dextérité et une bonne gestion technique de tous les détails, de sa création à son démontage après la récolte de la reine, en passant par son entretien.

Je vous propose un tour d’horizon de ce qui existe afin que votre choix en matière de nuc corresponde à votre pratique, au type de reines en ponte que vous voulez récolter, au temps de travail et d’entretien que vous pouvez leur consacrer et à la quantité d’abeilles que vos colonies peuvent vous fournir en début de saison d’élevage2.

Le volume du nid

Le volume du nuc est une donnée importante, car elle va définir la taille maximale de la mini-colonie qui va l’habiter. Ce volume va aussi influencer la quantité de travail de l’apiculteur sur le suivi de la mini-colonie. Plus le nuc est petit, plus l’apiculteur devra intervenir souvent pour remplacer le travail des abeilles trop peu nombreuses pour assurer la régulation thermique et l’apport de nourriture. À l’inverse, plus le corps du nuc est volumineux, plus grosse pourra être la mini-colonie qui l’habitera, et moins l’apiculteur aura besoin d’intervenir pour qu’elle vive normalement. Le grand nombre d’abeilles lui permettant d’être plus autonome et d’assurer plus facilement le travail que nous leur avons confié : « Êtres aux petits soins autour de la reine vierge pour qu’elle s’accouple le plus rapidement possible et qu’un maximum de spermatozoïdes migrent vers sa spermathèque ».

Du plus petit nuc viable en extérieur à la ruchette il y a un rapport en volume utilisable pour les abeilles de 1 à 62. La ruchette ne fait pas à proprement partie de la famille des nucs : elle peut bien sûr permettre l’accouplement des reines mais peut également héberger une colonie autonome (ce n’est donc pas un « noyau »).
À ma connaissance, le nuc le plus petit permettant de maintenir une reine en ponte toute une saison d’élevage, est la haussette3 ou le maxi-plus4, tous les deux d’un volume de 19 500 cm3, ce qui permet d’héberger une surface équivalente à 3 cadres de corps Dadant.
Il est parfaitement possible de maintenir une reine dans de plus petits volumes, mais il faudra alors retirer du couvain en cours d’année pour que la reine ait toujours de la place pour pondre.
Dans le cas contraire, il est possible d’équiper le nuc de petit volume d’une grille à reine d’entrée afin que celle-ci, parce qu’elle ne peut pondre en continu, n’essaime pas. Attention toutefois à l’introduction de cette reine. Prélevée alors que les alvéoles du nuc sont pleines, il est fort probable qu’elle soit en période de blocage de ponte et pourrait alors faire l’objet d’une mauvaise acceptation par la colonie hôte. Seule une introduction en paquet d’abeilles pourrait fonctionner dans ce cas-là. Effectivement, si elle est introduite en présence de couvain, il y a un fort risque que les abeilles préfèrent leurs jeunes larves à la reine féconde, alors en période de blocage de ponte.

Quatronuc : utilisation de micro-essaims jetables sur mono-rayons, réunis par quatre pour partager leur chaleur. Photo Philippe Gilles
Quatronuc : utilisation de micro-essaims jetables sur mono-rayons, réunis par quatre pour partager leur chaleur.

Les plus petits nucs d’accouplement en plein air sont formés d’un seul rayon de 11,5×10 cm. Ils sont créés à partir d’un « micro-essaim » et d’une reine vierge sans protection. Le mono rayon permet à l’apiculteur de voir à travers la vitre de chaque côté du rayon pour s’assurer très rapidement que la reine dépose bien des œufs dans les alvéoles. Aussitôt le constat de ponte fait, il devra fermer l’entrée du nuc par une grille à reine.
Le manque d’alvéoles pour une ponte continue de la reine, dans l’attente de vérifier que les œufs sont bien fécondés, peut avoir tendance à la pousser à l’essaimage.

Le contrôle de fécondation des œufs se fait par l’apiculteur lorsque l’operculation des larves issues des premiers œufs est faite. La forme du cocon plus ou moins arrondie va lui donner le sexe de la larve. La reine doit être aussitôt sortie du nuc afin de limiter son temps d’arrêt de ponte. Bien souvent, l’apiculteur n’attend pas ce contrôle de fécondation des œufs et il utilise la reine aussitôt qu’il voit des œufs pondus.

L’apiculteur peut faire le choix entre faire de gros nucs permettant de conserver la reine longtemps, sans trop de travail, mais il faudra beaucoup d’abeilles à la constitution, ou créer des nucs plus petits, avec beaucoup moins d’abeilles, mais nécessitant beaucoup de temps pour le contrôle et l’entretien, et une durée réduite de “stockage” de la reine après le début de la ponte.

Le nuc : quelle forme ?

Une fois le volume déterminé, il faut prévoir la forme du nuc afin de savoir combien de rayons le composeront.
Nous allons privilégier la forme du nuc la plus proche de la forme sphérique. Une sphère est le volume qui possède la plus petite surface. Ce qui permet d’avoir le moins de surface d’échanges avec l’extérieur. Pour les abeilles, cette forme se retrouve lors de l’essaimage : la grappe d’abeille est sphérique la nuit pour perdre le moins de calories. Nous allons toujours rechercher cette forme pour le corps des nuclei, or il est difficile d’avoir des rayons permutables en forme de disques et de diamètres différents pour remplir la sphère de chaleur. La forme, de surface constante, qui se rapproche le plus de la sphère est le cube. Pour cela, nous allons privilégier des rayons de forme carrée et donc un corps de nuc cubique.

Une seule ou plusieurs colonies ?

La chaleur montant, elle est plus importante dans le haut du cube. Les apiculteurs ont ainsi tendance à garder la forme carrée pour la longueur et la largeur et à légèrement réduire la hauteur des cadres. De plus, des cadres courts sont sortis plus rapidement et facilement avec moins de risque d’abîmer les abeilles et la reine.

  • Si le nuc contient une seule colonie, nous choisirons la forme du nuc la plus cubique possible. La taille minimale du cube du corps de la colonie est définie par l’espace intercadre (« Bee Space »). Pour qu’un rayon contenant du couvain soit utilisable par des abeilles, il doit être parcouru sur ses faces par des abeilles nourrices, puis les chauffeuses. En conséquence, l’épaisseur utile est de 37,5 mm, soit 6 mm (épaisseur de l’abeille nourrice) + 12,5 mm (longueur de l’abeille allongée dans l’alvéole) + 0,5 mm (épaisseur de la cire) + 12,5 mm (longueur abeille allongée dans l’alvéole) + 6 mm (épaisseur de l’abeille nourrice).
  • Si nous voulons mettre plusieurs mini-colonies dans le même nuc afin qu’elles partagent leur chaleur et consomment moins de nourriture (se rapprocher du volume d’une colonie autonome sur un plan thermique), il est possible de disposer plusieurs mini-colonies au sein du même nuc. Il sera alors de forme rectangulaire et aura donc une plus grande perte de chaleur par une augmentation de la surface d’échange avec l’extérieur. Pour compenser, nous privilégions moins de cadres mais une plus grande surface d’échange de chaleur entre les mini-colonies. En poussant à l’extrême l’échange de calories entre mini-colonies, nous pouvons mettre chaque mini-colonie sur un seul rayon et reconstituer un nuc cubique de 150×150 mm, soit 1 800 alvéoles disponibles pour chaque micro-colonie. La visite sera facilitée si les rayons sont en boîtes vitrées pour un contrôle rapide et efficace sans blesser les abeilles. Mais, 1 800 alvéoles ne sont pas suffisantes pour qu’une reine ponde assez d’abeilles pour assurer le renouvellement de la population de nourrices. Il faudra pour ce type de colonie changer de nourrices à chaque prélèvement de reine et retirer le rayon pour que le nouveau paquet d’abeilles crée une cohésion en étirant la cire. Il est recommandé de laisser le pollen ensilé dans les alvéoles du précédent rayon afin de faciliter la production de gelée royale par les jeunes nourrices.

Quelle surface de cadrons ?

Pour savoir combien d’alvéoles sont nécessaires pour que les « mini-colonies » puissent renouveler leur population de nourrices, et en nombre constant à chaque renouvellement de reine, il faut mettre en place un calendrier de gestion des populations des nucs (schéma disponible dans IR 118).

Pour faire de l’œuf une nourrice, à la sécréteuse de gelée royale il faut 27 jours (21 jours avant émergence + 6 jours pour qu’elle devienne nourrice). Il faut environ 250 abeilles par jour pour nourrir la reine en ponte. Les premiers jours après son émergence, la reine n’est pas nourrie de gelée royale mais simplement de miel. Il ne faut pas qu’elle grossisse pour son vol d’accouplement, elle recevra de la colonie quelques protéines, comme toutes les abeilles butineuses qui ont besoin de voler. Elle ne recevra de la gelée royale qu’à son retour du vol d’accouplement pour que ses ovaires se développent et produisent des œufs.

Il faut attendre 5 à 7 jours après son émergence pour qu’elle soit mûre sexuellement pour faire son vol d’accouplement. La reine ne commencera à pondre que 24 à 48 heures après son accouplement, suivant le nombre d’abeilles nourrices qui l’entourent. Mais ces chiffres sont fortement variables. Et si les conditions météorologiques ne permettent pas le vol d’accouplement pendant plus de 15 jours, la reine risque alors de pondre des œufs qui ne seront pas fécondés. Au cours des mois de mai et juin, dans nos régions du nord de la France, les périodes de météo défavorables à l’accouplement des abeilles (mâles et reines) – température inférieure à 17 °C, ciel couvert, vent supérieur à 5km/h, pluie – n’excèdent que rarement une semaine.

Selon les conditions météorologiques et le nombre d’abeilles constituant le nuc, il faudra attendre plus ou moins longtemps pour avoir le couvain operculé permettant de confirmer la fécondation des œufs. En règle générale, les apiculteurs adoptent un rythme régulier pour gérer plusieurs ruchers d’accouplement en synchronisation avec des éleveuses en production continue de cellules.

Le temps de séjour des reines en nucs, avec des mini-colonies, est d’environ 20 jours.

Pour les éleveuses en continu, avec introduction des greffages tous les 6 jours, la récolte de la reine à lieu tous les 18 jours avec introduction des reines émergées (3×6 jours) et tous les 24 jours avec introduction de cellules royales (4×6 jours). Si le cycle des éleveuses est de 7 jours (schéma disponible dans IR 118), les nucs sont généralement sur un cycle de 21 jours (3×7 jours), que les introductions soient réalisées en cellules ou en reines vierges. Un cycle de 28 jours (4×7 jours) nécessiterait en effet l’usage d’un nuc de grande taille afin d’éviter le blocage de ponte.

De plus, laisser pondre la reine trop longtemps induira la naissance de nombreuses abeilles, qui deviendront alors trop nombreuses pour la rotation suivante, ce qui nécessitera un travail de suivi important du nuc.

L’adéquation entre taille du nuc et temps de ponte de la reine avant récolte est donc une des questions clé de la bonne gestion des nucs en vue de produire des reines en continu, avec le moins possible de travail de gestion des nucs et sans arrêt de ponte.

Retrouver des informations techniques complémentaires sur l’agrandissement possible du corps en saison et les types de support pour les rayon dans Info-Reines n°118 (2e trimestre 2017)


1 Suivant leur mode de création, les nuclei ne seront pas placés à la même distance des colonies avec une reine en ponte. Sur terrain plates, les nucs créés par micro essaim devront être éloignés de plus de 500 mètres des colonies avec une reine en ponte. Les nucs créés par micro-colonie pourront être placés plus près des colonies avec reine en ponte, mais il ne faudra pas les mettre non plus directement en plein rucher de production. Les ruchers de nucs entourés d’arbres haut et/ou de haies imperméables aux passages d’abeilles permettent de les rapprocher des ruchers de production avec reine en ponte.
2 Ne pas oublier que la période d’élevage des reines commence quand les premiers mâles sortent de leurs alvéoles, ce qui suppose que la saison de multiplication de vos colonies commence à l’introduction d’espace vide en bordure du couvain pour que les abeilles puissent y construire les alvéoles à mâles. Six cadres de couvain est la bonne taille pour étirer des alvéoles à mâles pour une colonie logée en ruche Dadant.
3 Haussette 6 cadres de hausse Dadant fermée en dessous avec un plateau de ruchette, un nourrisseur couvre cadre et son toit.
4 Maxi-plus = haussette en bois de 2,5 cm d’épaisseur. Les parois latérales sont équipées d’une feuillure de 1×1,5 cm, ce qui permet de suspendre des demis-cadre de hausse Dadant. Elle est fermée, en dessous, avec un plateau de ruchette et un couvre-cadre isolant, et au-dessus, avec son toit de ruchette.


L’intégralité de l’article dans Info-Reines n°118 ou dans le tome 9.
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