Anercea. Composition schématique d'une ruche éleveuse. ©Jean-François Mallein.

Réflexion sur les ruches éleveuses : Selon Jean-François Mallein

Article de Philippe Gaudet, publié en 2016 dans Info-Reines n°113

« La valeur économique de toute reine produite dépend des conditions dans lesquelles se sera déroulé l’élevage alors qu’elle était larve », écrivait déjà Frère Adam1. Chaque éleveur sait bien, plus ou moins intuitivement et sans forcément avoir lu les ouvrages de Frère Adam, que la ruche éleveuse est un élément central de l’élevage des reines.

Cet article présente la méthode employée par Jean-François Mallein, apiculteur-éleveur dans le Tarn, ainsi que quelques-unes de ses réflexions et interrogations concernant les ruches éleveuses.

Éleveuse orpheline en hausse, avec ruche pourvoyeuse

Jean-François et Philippe Huau, son associé, utilisent 36 ruches éleveuses réparties en deux groupes.

L’éleveuse est une ruche orpheline, d’un modèle particulier fabriqué sur mesures, constitué de huit cadres de hausses Dadant. À chaque ruche éleveuse est associée une ruche pourvoyeuse, logée dans une hausse Dadant 10 cadres. Cette ruche est positionnée sur le même support (photos 1 et 2). Les supports sont à hauteur afin d’éviter toute fatigue inutile du dos lors des manipulations.

Anercea. Rucher de ruches éleveuses. ©Jean-François Mallein
Photo 1 : rucher de ruches éleveuses.
Anercea. Ruches éleveuses et pourvoyeuses. ©Jean-François Mallein
Photo 2 : ruches éleveuses et pourvoyeuses.

L’éleveuse orpheline est constituée de huit cadres, dont les deux cadres en position externe sont des partitions chaudes (schéma 1).

Le greffage a lieu une fois par semaine, le mardi pour le rucher 1 et le jeudi pour le rucher 2, afin de produire entre 700 et 800 cellules par semaine, de fin mars à début septembre, soit environ 14 000 cellules par an.

Lors de l’introduction des barrettes greffées, à raison de 14 cellules par barrette et 2 barrettes par éleveuse, les cellules de la semaine précédente sont retirées et placées en couveuse. Cette opération se fait à J+7, sans toutefois poser de problème. Tous les transports se font à pied, les ruchers des souches et des éleveuses étant à moins de 50 mètres du laboratoire.
Deux jours après l’introduction a lieu la rotation des cadres, avec l’introduction d’un cadre de couvain ouvert et le retrait d’un cadre de couvain né. La saison prochaine, Jean-François fera cette rotation des cadres seulement une fois tous les quinze jours, en introduisant deux cadres de couvain ouvert.
La disposition de la ruche éleveuse et de la ruche pourvoyeuse côte à côte rend cette opération très facile et peu fatigante, sauf en cas de miellée, période pour laquelle la pose d’une hausse sur la pourvoyeuse est nécessaire.
Chaque semaine est distribuée une petite quantité de pâte protéinée composée de pollen congelé, de sirop de glucose et de levure de bière.
Du sirop pur est distribué en cas de nécessité.
Dernier petit détail, un peu de sirop contenant de l’acide oxalique (50g/l) est distribué par dégouttement dans les ruches éleveuses, au moins une fois par mois. Avec cette pratique, il n’y a plus de cellules noires.
Les deux positions occupées par les partitions peuvent servir soit pour agrandir le nid à couvain, soit pour placer un nourrisseur cadre, selon les conditions et les moments de la saison.

Anercea. Composition schématique d'une ruche éleveuse. ©Jean-François Mallein.
Schéma 1 : composition schématique d’une ruche éleveuse.
Anercea. Regroupement de barrettes par souche dans la couveuse. ©Jean-François Mallein
Photo 3 : regroupement de barrettes par souche dans la couveuse.

Il faut une matinée de travail à deux personnes pour réaliser la gestion des ruches souches, le greffage, l’introduction des barrettes et le transfert des barrettes de la semaine précédente en couveuse. La rotation des cadres occupe une personne pendant deux heures.

La gestion des barrettes et des données

Bien sûr, le greffage a lieu dans les cupules placées sur les barrettes qui sont ensuite introduites dans les éleveuses, puis placées en couveuse. À ce moment là, elles restent regroupées par souche (cf. photo 3).
Les barrettes sont ensuite transportées au rucher de fécondation pour l’introduction des cellules dans les nucs.
La traçabilité est ainsi assurée de la souche au nuc de fécondation. Le seul élément manquant est l’identification de l’éleveuse. Les comptages sont introduits dans une base de données permettant de calculer le taux d’acceptation au niveau des éleveuses (68% en 2015) et taux le de réussite des fécondations (73% en 2015). L’analyse de ces données et le traitement des résultats, actuellement réalisés par l’École Normale Supérieure donneront sans doute le sujet d’un prochain article…

Les différents types d’éleveuses utilisées par Jean-François

Il y a une dizaine d’années, Jean- François utilisait comme ruche éleveuse des ruches Dadant 10 cadres orphelines, pendant toute sa saison d’élevage, de mi-mars à mi-septembre. La rotation des cadres n’était pas forcément simple à gérer et, en fin de saison, une baisse de vitalité des colonies était constatée, pouvant aller jusqu’à l’apparition de maladies.

Puis, pendant quelques saisons, le même type de ruche orpheline a été utilisé, avec renouvellement des colonies toutes les cinq semaines, sans réaliser de rotation de cadres afin de limiter l’accumulation de maladies au fil de la saison. La principale difficulté de cette méthode est le faible taux d’acceptation des deux à trois premiers greffages, ce qui entraîne sur la saison, un moins bon rendement général.

La méthode « Cloake » a ensuite été employée et a donné de très bons résultats techniques. La rotation des cadres implique des manipulations nombreuses et pénibles, qui se transforment en difficulté majeure quand surviennent les problèmes de mal au dos. Afin de pallier cet inconvénient, une déclinaison de cette méthode sur cadres de hausse a été tentée, mais les résultats techniques n’ont pas été à la hauteur. La méthode utilisée actuellement par Jean-François a été décrite au début de cet article.

L’utilisation de ces différentes méthodes et types de ruches éleveuses montre, s’il le faut, qu’il n’existe pas une seule façon de faire. Chacune permet de produire des cellules royales. Mais au-delà des avantages et inconvénients liés à leur mise en œuvre pratique, ces différentes méthodes n’ont-elles pas des incidences sur la qualité des reines produites ? Et plus généralement, quels paramètres influent sur la qualité des cellules et des reines produites ?

1) Belg.Apic. 18(10) 1954, p255-259


Les réflexions de l’éleveur sur le rôle des éleveuses et leur incidence sur la qualité de la reine
sont à découvrir dans le numéro 113 d’Info-Reines.
Vous y découvrirez également l’organisation de l’éleveur en termes de sélection.
À retrouver dans le Tome 9 d’Info-Reines).

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